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1

La critique comme hygiène organisationnelle [Book review - La violence ordinaire dans les organisations : plaidoyer pour des organisations réflexives]

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Article

Scandella, Fabienne

HesaMag

2013

07

53

case study ; occupational sociology ; psychosocial risks ; violence ; working conditions

France

Psychosocial risks

French

" Il n'est point nécessaire que la violence soit perverse pour qu'elle soit nocive. Il n'est pas indispensable qu'elle soit "extraordinaire", visible et bruyante, pour engendrer mal-être et souffrance. Pour nous en convaincre, le sociologue Gilles Herreros nous emmène loin des cas de harcèlement moral ou de violence physique avérés, qui génèrent bien souvent une condamnation collective à faible coût, pour scruter au plus près la violence ordinaire qui se déploie dans les organisations contemporaines.
L'auteur a sélectionné neuf récits, témoignages ou expériences issus de trente années d'intervention dans les organisations, à la lecture desquels on perçoit autant la violence — et ce qu'elle engendre chez ceux qui en pâtissent — que son caractère bassement ordinaire, familier, banal. D'ailleurs, l'histoire de Florence, malmenée publiquement par son maître de stage, ne fait-elle pas penser à celle du fils du voisin. Et, celle de Joëlle, secrétaire dans une université, collaboratrice loyale mais pas "stratégique", n'est pas sans point commun avec celle de l'oncle Gérard qui, sans avoir jamais démérité durant toute sa carrière, n'aura jamais bénéficié d'aucune des promotions dont ont bénéficié ses collègues au fil des ans.
Le harponnage du lecteur est subtil autant que risqué. Subtil car l'exposé de cette violence ordinaire au travers de quelques histoires empruntées à des milieux de travail très divers ne peut que convoquer les comparaisons, les airs de "déjà vu" ou de "déjà vécu", et pousser le curieux — ou la victime ordinaire de la violence ordinaire — à suivre l'auteur plus avant. Risqué car l'ordinaire émousse, anesthésie. Pour ceux qui verront dans la banalité des situations ainsi dépeintes les atours de la normalité ou de l'inéluctable, l'appétence à poursuivre la lecture sera certainement très limitée. Risqué donc, en somme, car ce matériel "ordinaire" ne semble bien pouvoir convaincre in fine que ceux-là même qui n'ont plus à l'être.
Si tel est le cas, on ne pourrait que le regretter car l'intérêt de l'ouvrage réside moins dans l'exposé du caractère protéiforme de la violence ordinaire au travail, que dans l'analyse des ressorts de cette violence — p. ex. la cécité et le silence, l'indifférence, le renoncement aux questionnements ou à la critique, etc. — et des contours de la solution qu'il conviendrait d'y apporter. Comme l'indique le sous-titre de l'ouvrage, l'auteur plaide pour le développement d'organisations réflexives, c'est-à-dire d'organisations qui réhabilitent l'hygiène élémentaire de la critique. Il faut se réapproprier et redistribuer la parole, oser briser la gangue du consensus d'apparat imposé par plusieurs décennies de logorrhée managériale.
Ce principe pourra certes paraître quelque peu candide à ceux qui peuvent se rappeler que le monde du travail a pu s'apparenter à un sacré "boucan". Dans de nombreuses organisations contemporaines, pourtant, la chape du silence est telle que cette proposition aurait presque les atours d'une déclaration subversive. Il n'en reste pas moins que cette réhabilitation de la controverse au coeur même du travail paraît bien constituer l'un des remèdes incontournables au mal-être qui sclérose les organisations. Dans ces dernières, comme le souligne joliment l'auteur, "ce qui peine à être dit ne gagne pas à être durablement tu".
Cet ouvrage est une invitation à réinsuffler de "l'intranquillité" dans les organisations. Au vu de l'ampleur des dégâts humains occasionnés par des organisations qui semblent précisément s'être vidées de toute humanité, l'invitation se fait obligation. Il faut reprendre la parole confisquée, réinstaurer la controverse, oser dénoncer "l'agir qui occasionne du pâtir". — Fabienne Scandella"

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