"Les médecins urgentistes sont particulièrement à risque en matière de fatigue au travail en raison de périodes de veilles prolongées, d'un sommeil fragmenté et de conflits persistants entre l'horloge biologique et l'horloge professionnelle (Alhola et al., 2007). Toutefois, les études en situation naturelle ne parviennent pas à démontrer que la privation de sommeil se traduit par une augmentation systématique des erreurs médicales (Gates et al., 2018; Weiss et al., 2016; Kramer, 2010). Nous postulons que l'absence de relation claire et systématique entre fatigue et performance médicale trouve son origine dans l'existence de mécanismes compensatoires visant à réduire ou à mitiger le risque associé à la fatigue. Premièrement, nous avons mené plusieurs focus group avec un total de 28 médecins urgentistes afin d'identifier les éventuelles stratégies de gestion du risque mobilisées de façon informelle. Deuxièmement, nous avons développé un sondage évaluant la fréquence d'utilisation des stratégies rapportées lors de la phase précédente. Enfin, nous avons une étude observationnelle prospective pour évaluer l'efficacité des stratégies rapportées sur base d'indicateurs relatifs à la fatigue, à la performance au travail et au burnout. Nos résultats montrent que les stratégies rapportées peuvent être qualifiées de stratégies de réduction (FRS) et de proofing (FPS). Le déploiement régulier de FRS a un effet bénéfique sur le niveau de fatigue des médecins sans coût associé pour l'individu en termes de burnout. Les FPS permettent aux médecins de maintenir un niveau acceptable de performance au détriment d'une usure émotionnelle susceptible de conduire au burnout. Nous discutons ces résultats à la lumière de l'hypothèse cognitivo-énergétique et proposons des perspectives en matière de gestion du risque associé à la fatigue en médecine d'urgence."

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