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L'espérance de vie et la pleine santé, des indicateurs de l'après Covid-19 ? [Book review - Et si la santé guidait le monde ? L'espérance de vie vaut mieux que la croissance]

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Article

Koksal, Mehmet

HesaMag

2021

23

57

health policy ; economic policy

Social protection - Health policy

French

"Qu'étiez-vous en train de faire le mardi 7 avril 2020 ? Retenez bien cette date qui marque, selon l'auteur, le véritable début du XXIe siècle lorsque "la moitié de l'humanité était immobilisée et toute l'économie mondiale paralysée dans le but de limiter la propagation mortelle de la pandémie de Covid-19 déclenchée par la destruction des écosystèmes et la marchandisation de la biodiversité". Enseignant à Sciences Po (France) et à l'université de Stanford (États-Unis), Éloi Laurent estime dans son nouveau livre qu'il n'y a vraiment pas d'arbitrage à faire entre santé et économie puisqu'il est "infiniment plus difficile de consommer une fois mort et personne de gravement malade n'est productif". Non, "le choix face à la pandémie (…) est entre l'hécatombe sanitaire et la dépression économique, d'un côté, et la précaution et la résilience, de l'autre". Dans un style littéraire très facile à lire, il nous replonge d'abord aux sources de cette pandémie qui débute vraisemblablement à l'automne 2019 dans la mégalopole de Wuhan (Chine), cette "ville qui s'est littéralement nourrie de la destruction des écosystèmes et de la biodiversité autour d'elle, dans un développement parasitaire plutôt que symbiotique, jusqu'à provoquer la crise de la frontière homme-animal par l'anéantissement de l'habitat puis la marchandisation des chauves-souris et des pangolins", tout un symbole sur la manière dont notre économie "moderne" fonctionne de nos jours.


Cet économiste de formation n'est d'ailleurs pas vraiment tendre avec sa propre discipline. Il lui reproche au fil des pages de défier les lois de la physique pour nous inciter à ignorer le changement climatique et détruire ainsi la biodiversité, d'emprunter le vocabulaire propre à d'autres disciplines comme la médecine ou la finance pour défendre une approche principalement basée sur la croissance à tout prix du produit intérieur brut.

Face à "une imposture aux effets ravageurs", Éloi Laurent nous propose de repartir sur deux indicateurs plus pertinents pour reconstruire le monde d'après Covid-19 : l'espérance de vie et la pleine santé qu'on comprend comme une solidarité sanitaire entre les humains qui sont conscients de l'importance vitale de leur environnement. Pour mettre à jour notre économie sociale de marché qui visait dès 1944 à promouvoir le plein emploi dans un contexte bipolaire (économie de marché versus planification communiste), la pleine santé offre un outil de mesure pour lutter contre l'incertitude écologique mondiale unipolaire en proie aux virus en tout genre. Il est intéressant de noter son concept de "boucle de rétroaction sociale-écologique" qui fait le lien entre inégalités et crises écologiques où on découvre que l'exposition aux risques ne frappe pas de la même manière tout le monde selon qu'on soit parmi les petits ou les puissants.

En d'autres termes, il propose de "bâtir un État social-écologique libéré de la croissance visant la pleine santé". Ce nouvel État s'appuierait principalement sur les trois fonctions similaires à celles évoquées par l'économiste Richard Musgrave (allocation, répartition et stabilisation) dans un monde à quatre vitesses : le bio-techno pouvoir sud- coréen ou chinois avec un contrôle permanent numérique, le néo-libéralisme écologique américain ou brésilien à faibles réglementations environnementales, le naturalisme économique superficiel à l'européenne avec des concurrences fiscale et sociale et enfin les régulations naturelles africaines et asiatiques à forte exposition au risque environnemental. Malheureusement, ces quatre vitesses semblent toutes négatives alors que le lecteur cherche désespérément une échappatoire positive à la sortie de crise. C'est justement là que l'auteur propose sa vision basée sur des indicateurs positifs.
En attendant une mise à jour écologique de notre système d'État providence au niveau national et supranational, l'auteur comptabilise déjà les avancées graduelles des transitions sociales-écologiques qui se mettent en place dans nos villes. Pourquoi s'intéresser prioritairement aux espaces urbains ? Parce qu'ils "concentrent désormais une majorité d'habitants sur la planète (proportion qui atteint 75-80 % en Amérique du Nord et en Europe) et qui, tout en n'occupant que 5 % de la surface de la planète, représentent notamment 66 % de l'énergie consommée et 75 % des émissions de CO2". Il décline quatre grands axes concrets pour une transition sociale- écologique urbaine et dresse un bilan écologique assez positif des mesures prises par la ville de Paris comme exemple à suivre.

Sur la nécessaire reconstruction européenne, il reste par contre assez critique à l'égard de la gouvernance de l'Union malgré l'annonce du "Pacte vert pour l'Europe" (Green Deal) qui reste non seulement muet sur les indicateurs permettant de mesurer cette "croissance durable et inclusive" mais aussi ne dit rien sur une quelconque compatibilité du Green Deal avec l'actuel Pacte de stabilité et de croissance, le semestre européen ou encore les objectifs du développement durable des Nations unies. "Très clairement insuffisant sur le plan des intentions comme sur le plan de la méthode", l'Union européenne est recalée par le professeur d'université qui l'invite à prêter oreilles notamment aux rapports de l'Agence européenne pour l'environnement et à la Confédération européenne des syndicats qui "place désormais l'enjeu de la transition juste au centre de ses réflexions et de ses actions".

Que faisiez-vous le mardi 7 avril 2020 ? "Je pense (…) que la pandémie de Covid-19, en nous isolant contre notre gré, nous a révélé combien, en fait, c'est cet isolement qui nous est étranger. (…) Dans ce huis clos interminable, il apparaît de manière peut- être surprenante que la liberté, c'est les autres. Notre bien-être est, aussi, collectif", écrivait Éloi Laurent probablement depuis son confinement. - Mehmet Koksal"

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