La santé, un bien commun si mal partagé [Book review - Inégaux face à la santé : du constat à l'action]
2009
01
49
cancer ; discrimination ; mental health ; morbidity ; health status ; social inequality ; access to care ; trade union document
Social protection - Health policy
French
"L'inégalité sociale face à la santé est rarement abordée dans des livres de synthèse destinés à un public non spécialisé. Et pourtant, c'est une question centrale qui concerne l'ensemble de la population, de la naissance à la mort. Un des mérites majeurs de ce livre collectif est d'apporter une contribution de qualité à un débat politique trop souvent négligé. En moins de 300 pages, les auteurs abordent les inégalités de santé en France dans une triple perspective. Ils montrent ces inégalités à l'oeuvre tout au long de la vie, de la petite enfance à la vieillesse. Ils dressent un tableau convaincant du caractère général de celles-ci, de la mortalité prématurée au cancer, des maladies cardiovasculaires au SIDA, ainsi que dans le domaine de la santé mentale. Ils pointent les cibles d'une action préventive qui reste très insuffisante et peu systématique. Dans cette partie, ils relèvent l'importance des conditions de travail et d'emploi. Celles-ci restent souvent les parents pauvres des politiques de santé publique qui semblent douter de leur propre légitimité quand il s'agit d'intervenir dans la gestion des entreprises.
Dans l'examen du rôle joué par les conditions de travail et d'emploi, les auteurs évitent de privilégier de manière unilatérale les conditions psychosociales. Ils insistent sur l'interaction entre celles-ci et les facteurs matériels de production et considèrent que la clé d'une politique de prévention se situe dans l'organisation du travail. On peut regretter que la question du travail domestique, de sa répartition inégalitaire entre les hommes et les femmes et de son interaction avec le travail rémunéré, n'ait pas été abordée.
Parmi les différents constats de ce livre, trois points méritent d'être mis en avant.
Les inégalités de santé ne régressent pas dans nos sociétés. Le seul accès aux soins ne suffit pas en l'absence d'une politique de prévention sur des déterminants collectifs de santé. Tout au long du XXe siècle, le mouvement syndical s'est battu, à juste titre, pour la mise en place de systèmes de sécurité sociale rendant possible l'accès aux soins de santé. Si cet objectif reste crucial, il n'est pas suffisant. Comme l'indique l'introduction du livre, "les inégalités sociales de santé existent aussi bien dans le cas de maladies vis-à-vis desquelles le système de soins est efficace que dans le cas de celles pour lesquelles la prise en charge n'est pas optimale". On constate parfois que les avancées dans le domaine du diagnostic ou des thérapies ne font que déplacer les inégalités. Ainsi, les progrès accomplis dans le diagnostic précoce du cancer du sein ont profité de façon majeure aux femmes des classes sociales privilégiées mettant fin à la mortalité relativement moins élevée des femmes des milieux populaires pour cette pathologie.
Les inégalités sociales de santé ne se limitent pas à l'existence d'une couche de la population en situation d'extrême précarité. Trop souvent, les politiques publiques se concentrent sur le thème de l'exclusion sociale et de son impact sur la santé. Des dispositifs d'urgence sont alors mis en place pour affronter des situations décrites comme exceptionnelles. Ainsi, chaque hiver réapparaissent des services d'urgence pour les sans-abri alors que la question du logement exigerait des réponses totalement différentes. En réalité, les inégalités de santé se présentent dans l'ensemble de la population. En parcourant de haut en bas chaque niveau de la hiérarchie sociale, on observe une détérioration graduelle de la plupart des indicateurs de santé. Comme le disent les auteurs, "la santé des plus pauvres ne représente ainsi que la partie la plus émergée d'un iceberg".
La lutte contre les inégalités sociales de santé n'est pas du domaine exclusif de la santé publique. Les auteurs soulignent l'importance d'une évaluation critique des politiques dans des domaines extrêmement variés, qu'il s'agisse de l'éducation, du logement ou de la politique agricole.
Les auteurs montrent qu'au cours de ces dix dernières années, les données relatives aux inégalités sociales de santé se sont accumulées en France dans les domaines les plus divers. Dans une large mesure, le déficit de connaissances s'est réduit par rapport à d'autres pays, la Grande-Bretagne et les pays scandinaves en particulier, où il existait une tradition plus ancienne de recueil et d'analyse des données. La progression des connaissances ne garantit malheureusement pas l'adoption d'une politique plus efficace. En dernière analyse, l'inégalité devant la santé pose toujours le problème de l'inégalité tout court et des réponses politiques qu'on lui apporte. — Laurent Vogel"
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