"C'est presque un lieu commun que de décrire le syndicalisme français comme malade. Sans doute n'est-il pas le seul en Europe à avoir été bousculé par le chômage de masse, la précarisation du salariat et sa féminisation, la faiblesse des salaires, à se trouver relativement désarmé face aux fusions d'entreprises et aux délocalisations, à ne plus avoir, selon la vieille expression, de « grain à moudre ». Sans doute n'est-il pas nouveau que le syndicalisme français, qui s'enorgueillit d'être l'un des plus combatifs, compte en proportion beaucoup moins d'adhérents que ses homologues européens. Mais en plus, depuis longtemps divisé, il est aujourd'hui éclaté, alors que nombre des raisons historiques et idéologiques qui ont longtemps organisé ses clivages n'ont plus cours. Face à un processus de déconstruction du contrat social conquis dans les suites du Front populaire et de la Libération, il parvient au mieux à limiter quelques dégâts, mais n'apparaît plus depuis trop longtemps comme un véritable instrument de conquête de droits nouveaux. 1995 avait semblé pouvoir être un nouveau moment fondateur. Cela n'a pas été le cas, notamment parce qu'aucun remède n'a été trouvé à la faiblesse structurelle du mouvement syndical dans le secteur privé et parce que la mobilisation du public ne peut être suffisante quand les enjeux deviennent décisifs. La grève dite par procuration n'est pas une stratégie qui pourrait être reproduite à l'infini. ..."

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