Documents Le Lay, Stéphane 9 results

"Le métier d'éboueur-e à Paris, bien que classé dans la catégorie d'ouvrier non qualifié, ne peut être compris sans l'analyse de dimensions mal prises en compte dans les qualifications professionnelles, alors qu'elles renseignent le « drame social du travail » d'activités enserrées dans le cadre du service (au) public. Pourtant, ces dimensions relationnelles et affectives font l'objet d'une attention renforcée de la part de la municipalité, sous l'effet de deux grandes dynamiques politiques. La première est liée au recrutement de femmes, ouverture ayant entraîné des changements dans le travail. La seconde provient d'un renforcement des exigences en matière de nettoiement : il est attendu de la part des agents une meilleure qualité de service et une attention plus marquée à l'« image de la ville ». Ainsi, le métier d'éboueur-e interroge à sa manière le processus de déségrégation de la classe ouvrière, formant une figure d'« ouvrier-e de service » typique des classes populaires actuelles."

"En se penchant sur les travailleurs qui s'occupent de nos déchets, les auteurs se proposent d'entrer dans les ombres, afin de révéler ce qu'elles peuvent nous apprendre sur nos sociétés. En quoi consiste le travail dans ces zones de relégation symbolique et de dureté physique ? Qui sont les travailleurs des déchets ? Sont-ils déchus parce que travaillant auprès des ordures ou sont-ils affectés au ramassage des ordures parce que considérés comme inemployables, inutiles, comme "déchets sociaux" ? "Ce beau livre, dirigé par Delphine Corteel et Stéphane Le Lay, est nourri par l'histoire. Il se fonde sur l'enquête de terrain. Il montre la diversité des cultures du déchet. Il met en évidence l'intensité des multiples formes de la sidération, de l'angoisse, de l'anxiété suscitées par le maniement de l'ordure voire par sa simple proximité. Le lecteur, au fil des pages, se construit un nouveau regard sur les travailleurs du déchet. Les auteurs l'invitent à l'empathie. Il en vient à partager de multiples émotions où se mêlent le dégoût, la honte, la peur, l'humiliation, la fierté."

"Peinant à s'imposer sur la scène politique, la santé au travail revient par la porte sociale, lorsque des suicides suscitent interrogations et compassion de la part des commentateurs, ou quand des collectifs de travail s'emparent d'une dimension problématique des conditions de travail pour porter le fer avec le patronat et les pouvoirs publics. Le caractère éclaté de ces apparitions périodiques ne doit pas faire oublier que les débats concernant la santé des travailleurs ont occupé une place centrale dans les dynamiques historiques de constitution du salariat.
Mouvements souhaite revenir sur ces grands enjeux : qu'entend-on par atteintes à la santé physique, à la santé mentale ? Quels liens nouent-elles avec l'organisation du travail ? Quels sont les acteurs collectifs engagés dans les luttes de définition et de reconnaissance de ces maux ? Que nous apprennent les expériences concrètes en la matière ?"

"The delivery sector has undergone profound changes in the way work is organised, particularly under the influence of platform capitalism and its algorithmic management. This phenomenon exacerbates processes of work precarisation that have been underway for decades. Alternatives have started to emerge, known as platform cooperativism, which aim to rethink the organisation of work. Despite their long socio-economic history, cooperatives have not been extensively researched from a physical and mental health perspective. The results of our investigation into the psychodynamics of work among couriers in a French cargo bicycle delivery cooperative show that health-related aspects – inseparable from the subjective relationship to work – shed light on individuals' choices to embark on an alternative ‘entrepreneurial adventure'. We suggest that this way of working could signal an alternative to the model proposed by neoliberal economics, with their deleterious effects on health, on the collective, and more globally on politics."

"Avant-propos sur le cadre général et le contexte de la recherche En matière de connaissances scientifiques relatives au secteur de la livraison plateformisée, nous faisons face à une configuration marquée par un défaut d'études consacrées au travail sur les plateformes numériques et à celles et ceux qui l'effectuent. Si ce « trou cognitif » s'explique par la nouveauté relative de la structuration algorithmique des plateformes, il faut également prendre en compte l'importance de l'évanescence de cette forme d'organisation du travail (rapports sociaux largement dématérialisés, changements techniques fréquents et rapides, opacité des prises de décision, etc.). En outre, en raison de la forme même de mise à l'emploi et au travail des livreurs de plateformes (individualisation juridique – auto-entrepreneuriat – et atomisation laborieuse), il s'avère particulièrement difficile et complexe d'entrer en contact, dans un but de recherche, avec ces travailleurs. Cette difficulté s'est récemment trouvée accentuée par un changement dans les profils sociodémographiques des livreurs de plateforme, avec l'arrivée massive d'individus racisés particulièrement précarisés, souvent en situation irrégulière (travailleurs sans-papiers). Ces différents éléments expliquent le faible nombre de travaux portant sur la santé tant physique que mentale de ces travailleurs. Dans la continuité d'une recherche menée depuis 2020 sur ce sujet, la présente recherche vise à mettre en exergue les enjeux de souffrance au travail auprès des livreurs dits de « troisième génération », de comprendre les liens entre santé et organisation du travail et d'analyser les déterminants individuels et sociaux contribuant à modeler ces liens (notamment le genre, le statut administratif, etc.). En particulier, grâce à deux enquêtes exploratoires en psychodynamique du travail et sur l'exposition aux risques chimiques par l'approche ergo-toxicologique, nous étudions l'impact du « management algorithmique » (Lee et al., 2015 ; Mateescu and Nguyen, 2019) et sa capacité à prendre en charge et à remanier de manière (semi)automatisée l'organisation du travail, le suivi et la surveillance, en temps réel et à distance, des activités, des travailleurs et de leur évaluation, par l'intermédiaire de six mécanismes désignés comme les « 6R » par Kellogg et al. (2020)0F1. Nous explorons les conséquences du management algorithmique dans la manière de faire face aux conditions de travail et à ce que la psychodynamique du travail nomme le réel du travail, à savoir les aléas et autres incertitudes auxquels le travailleur se trouve confronté, et doit résoudre s'il veut mener ses activités à bien. Ces recherches exploratoires ont été réalisées dans le cadre d'une convention de recherche et développement (CRD), dont le projet de recherche et développement est intitulé « Travailleurs des plateformes de livraison : enjeux de santé physique et mentale. » Cette convention a été établie entre l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), établissement public administratif, d'une part, et l'Association de Santé au Travail Inter-services (ASTI), association loi 1901, d'autre part."